Un grand défi alimentaire nous attend dans les 20 prochaines années :
Comment nourrir 10 milliards d’habitants en 2050, tout en préservant la planète ?
Si nous conservons notre modèle alimentaire actuel, ce sont deux Terre et demie qui seront nécessaires pour nourrir l’humanité.
Un véritable casse-tête chinois, alors qu’aujourd’hui l’agriculture pèse déjà pour 33 % des émissions de gaz à effet de serre.
Une révolution de grande ampleur est inévitable, c’est une question de survie.
1,3 milliard de tonnes de nourriture jetées ou perdues chaque année !
Si nous voulons que notre planète reste vivable dans les décennies à venir et que tout le monde mange à sa faim, il est grand temps de plancher sur l’alimentation du futur.
Dès à présent, ONG, industriels, spécialistes de la restauration, agriculteurs et scientifiques se penchent sur la question.
Selon eux, la première mesure à mettre en place de toute urgence est la limitation du gaspillage.
Il est à la fois honteux d’un point de vue éthique et catastrophique pour l’économie et l’environnement.
Aujourd’hui, 1,3 milliard de tonnes de nourriture sont jetées ou perdues chaque année, soit 1/3 des aliments produits sur la planète1 !
Rien qu’avec ce que l’Europe jette chaque année, on pourrait nourrir 1 milliard de personnes, c’est-à-dire toutes celles qui souffrent de malnutrition dans le monde.
Mais ces pertes alimentaires représentent également 3,3 gigatonnes de gaz à effet de serre produit inutilement chaque année et un coût de 750 milliards de dollars, purement et simplement jetés par les fenêtres.
Comment limiter drastiquement le gaspillage ?
Pour limiter ce gâchis, plusieurs solutions sont envisagées par les spécialistes :
- Développer et privilégier les filières courtes et locales.
Il faut savoir que 14 % des pertes se font en phase de distribution, c’est-à-dire lors du transport. Ainsi, des sociétés comme Agricool2 croient dur comme fer au développement du local. Cette dernière mise sur l’agriculture urbaine dont l’objectif est de faire pousser des produits agricoles en ville pour être au plus près des consommateurs. Avec ce système, une salade peut ainsi être consommée dès le lendemain de sa cueillette au lieu des 7 jours habituels qui s’écoulent entre la récolte et le magasin, induisant au passage 50 % de pertes !
- Utiliser la totalité des aliments.
Lorsque nous mangeons un fruit ou un légume, une bonne partie de celui-ci est jetée à la poubelle (épluchures, parties que l’on pense impropres à la consommation comme les fanes, parties gâtées etc.). Or, dans la plupart des cas, tout se mange. Faites revenir le vert des oignons nouveaux et vous verrez que c’est un régal. Faites du compost avec vos épluchures, des confitures, des soupes avec ce que vous auriez voulu jeter, et votre poubelle se remplira bien moins vite. A un tout autre niveau, les industriels commencent aussi à développer des emballages à partir d’aliments recyclés (algues, amidon de maïs, etc.) afin de limiter les pertes et de prendre soin de la planète en réduisant les matières plastiques.
- Développer les OGM.
Je sais que cette solution va faire grincer des dents. Je ne plaide pas pour, mais, selon les experts, il semblerait que ce soit à l’avenir un passage obligé, à la fois pour limiter les pertes, mais aussi pour produire davantage. Les cultures OGM offrent des rendements bien meilleurs, elles sont plus résistantes aux maladies, aux nuisibles, au pourrissement, et aux aléas climatiques. Beaucoup de nos aliments végétaux ont d’ailleurs muté naturellement au cours de l’Histoire. Le blé sauvage, par exemple, n’était pas cultivable avant de subir des croisements au fil du temps. Les premières pommes de terre importées du continent américain en Europe sont également passées par des phases d’hybridations multiples pour s’adapter à notre climat.
Réduire les dégâts écologiques
J’ai récemment évoqué la consommation d’insectes comme solution potentielle pour une alimentation protéinée aux effets moins désastreux pour la planète (que vous pouvez lire ou relire en cliquant ici).
Si cet “ingrédient” offre des perspectives intéressantes en termes d’impact écologique et de nutrition, ce n’est pas le plus efficace.
Miser sur les protéines végétales, notamment celles des légumineuses (lentilles, haricots secs, pois chiches) est sans doute le meilleur choix.
Produire un kilo de bœuf engendre quasiment 100 kilos d’émissions de Co2 et un kilo de volaille presque 10 kilos alors que c’est pourtant l’élevage animal le moins polluant3.
Pour les cultures végétales (légumes, légumineuses, céréales…) nous sommes systématiquement sous les 1 kilos4 !
Vous l’aurez compris, si nous voulons préserver notre planète, il va falloir revoir complètement la composition de nos repas et limiter de manière importante notre consommation de viande.
Avec un bon apport de protéines végétales, manger de la viande une fois par semaine est amplement suffisant et devrait devenir la norme dans un avenir proche.
La nourriture à base d’insectes viendra sans doute compléter nos repas, mais dans une proportion moindre que les végétaux.
Et la viande de synthèse dans tout ça ?
Les amoureux de barbecue se posent peut-être la question.
Nous sommes déjà capables de fabriquer de la viande à partir de filaments de fibres musculaires prélevées sur un animal, mais nous n’en sommes encore qu’à un stade expérimental.
Le premier burger de synthèse dégusté à Londres en 2013 valait au bas mot 250 000 euros les 142 g5 !
Créer de la viande à profusion, sans impact environnemental et accessible à toutes les bourses, ce n’est apparemment pas pour demain, mais qui sait ? Au rythme où va la science.
Quant à de la nourriture en poudre ou en gélules qui contiendrait tous les éléments nutritifs à une bonne santé, il me semble que personne n’a vraiment envie d’en arriver là, même si techniquement cela devrait être de l’ordre du possible.
Le plaisir de manger fait partie intégrante de l’alimentation mais aussi de notre santé mentale, ne l’oublions pas.
Manger moins, mais manger mieux
C’est le credo du chef étoilé Thierry Marx, l’un des pionniers de la cuisine moléculaire, qui s’intéresse depuis longtemps à l’assiette du futur.
En 2013, il fonde le CFIC (Le Centre Français d’Innovation Culinaire), une sorte de laboratoire de cuisine expérimentale dont l’un des objectifs est d’imaginer la cuisine de demain6.
Avec Raphaël Haumont, enseignant-chercheur en physique-chimie, Thierry Marx explore une nouvelle façon de cuisiner.
Leur objectif est de mieux comprendre la synergie entre les aliments pour limiter les additifs, éviter les allergènes, diminuer le nombre d’ingrédients et abaisser le taux de sucre ou de matière grasse.
Autant d’enjeux majeurs pour l’alimentation de demain.
Ne croyez pas que cette conception de la cuisine va nous mener tout droit vers un pot au feu en gélules.
Non, le CFIC cherche plutôt à faire rimer nourriture du futur avec éducation, santé, retour à la terre et respect de la nature.
Thierry Marx fonde l’espoir que, dans quelques années, nous aurons intégré l’idée de manger moins, mais mieux7, c’est-à-dire d’avoir une alimentation plus saine mais aussi plus réfléchie.
A titre d’exemple, pour contrer la pénurie d’eau, le chef travaille avec ses équipes sur l’utilisation des déchets de tomates, qui s’élèvent jusqu’à 30 tonnes et se composent à 25 % d’eau.
L’idée étant de récupérer cette eau, puis de la réinjecter dans les cultures.
Un autre de ses projets consiste à réduire les emballages et les rendre massivement biodégradables.
Mais en dehors de telles idées innovantes, Thierry Marx nous invite aussi à militer chacun à notre niveau pour une alimentation durable et de qualité.
Si nous voulons franchir le cap de l’alimentation du futur avec succès, il faudra en passer par la mort programmée de la malbouffe.
Un beau programme, non ?
Et vous ? Comment imaginez-vous l’alimentation de demain ?
Êtes-vous optimiste ou au contraire désabusé ?
Donnez-moi votre avis en commentaire.
Naturellement vôtre.
Stéphane Morales
Sources:
[1] https://zero-gachis.com/fr/quelques-chiffres
[2] https://www.agricool.co/fr
[3] https://www.lejsl.com/environnement/2021/12/13/viande-produits-laitiers-quels-sont-les-aliments-les-plus-polluants
[4] https://quoidansmonassiette.fr/empreinte-carbone-de-co2-alimentation-quels-aliments-produisent-le-moins-de-gaz-a-effet-de-serre/
[5] https://www.sciencesetavenir.fr/sciences/degustation-du-premier-hamburger-de-synthese_1878
[6] https://cfic-squadrone.fr/
[7] https://foodandsens.com/made-by-f-and-s/chefs-on-parle-de-vous/thierry-marx-reprise-main-de-planete-simpose-se-soucier-davantage-de-relation-de-terre-a-lassiette/
Source: https://www.neo-nutrition.net/a-quoi-ressemblera-lassiette-du-futur/