Un important site de stockage de déchets nucléaires en Basse-Saxe menacé d’inondation et d’effondrement. Les autorités peinent à mettre en place un plan d’évacuation des fûts radioactifs. Article réservé aux abonnés
Par Thomas Schnee Publié le 4/08/2024 à 17:51 Temps de lecture: 4 min
La mine de sel d’Asse II, site de stockage de déchets nucléaires à scandale situé en Basse-Saxe, fait à nouveau parler d’elle. Selon l’Agence fédérale en charge des déchets nucléaires (BGE), les infiltrations d’eau constatées depuis longtemps se sont brutalement intensifiées depuis le début de l’année : 12.000 litres d’eau (12m3) s’écoulent désormais chaque jour à environ 25 mètres au-dessus de treize chambres creusées à plus de 650 mètres sous terre avec, dedans, 126.000 fûts remplis de 47.000 m³ de déchets nucléaires de faible et moyenne radioactivité.
« Sur les 12 m³ qui s’écoulent, nous en récupérons chaque jour environ 9 », assure la directrice de la BGE, Iris Graffunder, qui garantit que, pour l’instant, les fûts ne sont pas menacés par la boue salée et corrosive qui se forme ou par l’effondrement éventuel de galeries salines. Mais tout le monde dans la région n’est pas aussi serein. Car de multiples analyses, réalisées lors des décennies passées, ont montré l’existence de fuites régulières avec des concentrations de tritium, de cobalt 60 ou de césium 137, isotopes radioactifs dangereux, bien supérieures aux valeurs autorisées. « Je suis inquiet. Le désastre nucléaire d’Asse se poursuit. Les incidents montrent que la récupération des déchets radioactifs doit être accélérée », a pour sa part jugé le ministre de l’Environnement de Basse-Saxe, Christian Meyer (Vert), à la télévision publique régionale NDR.
« Il faut que quelque chose se passe enfin »
« Ces infiltrations et fuites sont inquiétantes et incontrôlables. Il faut que quelque chose se passe enfin », insiste pour sa part Anja Haase, une naturopathe qui habite dans la région et a choisi, avec le soutien de l’association militante « AufpASSEn », de porter plainte en 2023 contre l’inaction de la BGE. « Je m’inquiète pour la santé de ma famille et de mes voisins ainsi que pour les atteintes à la nature. Dix ans après l’entrée en vigueur de la loi, notre patience est à bout », avait-elle déclaré en novembre dernier sur les marches du tribunal administratif régional de Lüneburg.
Créée en 1965 comme une mine d’expérimentation pour l’entreposage de matières radioactives, Asse II est devenu au fil des ans un site de stockage à part entière. L’entreposage a cessé en 1995. Mais c’est en 2008 que la mine a commencé à faire les titres de l’actualité, quand les médias et associations riveraines ont révélé que la société exploitante de l’époque comptait fermer définitivement le site, en dépit des inondations régulières, d’une instabilité géologique grandissante et de fûts qui fuitent. Suite à cela, l’évacuation des fûts, d’abord prévue à l’horizon 2022, puis 2033, a été inscrite dans la loi qui encadre la gestion des déchets nucléaires (Atomgesetz).
Une opération complexe et coûteuse
Mais depuis, peu de choses se sont passées car l’opération est complexe et coûteuse. Elle implique aussi que les fûts soient entreposés ailleurs. Or l’Allemagne n’a actuellement pas de site d’enfouissement définitif quel que soit le niveau de dangerosité des déchets. Le site de Morsleben affiche complet depuis 1998 et celui de Schacht Konrad est en cours d’agrandissement, sans date précise de mise en service. Or le temps presse car les infiltrations pourraient conduire à l’effondrement des parois de sel. La récupération des déchets serait alors impossible et la menace mortelle resterait bloquée sous terre.
Le 10 juillet dernier, la ministre fédérale de l’Environnement, l’écologiste Steffi Lemke est venue s’enquérir elle-même de la gravité de la situation. « Je suis là pour faire accélérer les choses et pour m’occuper de la manière dont nous devons évacuer les « cochonneries » qui ont été faites ici au siècle dernier », a-t-elle assuré, en promettant de tout faire pour que l’évacuation démarre comme prévu en 2033 et ne soit pas une nouvelle fois repoussée.
Elle a cependant rappelé que cette opération « n’a encore jamais été réalisée au monde ». « Nous devons soutenir le plafond et y pénétrer avec des appareils télécommandés. Nous avons aussi constaté, grâce à des caméras dans les chambres de stockage, que les fûts sont en grande partie endommagés. Nous devons développer des appareils capables de s’adapter à toutes les éventualités », a détaillé Jens Köhler, chef du projet pour la BGE, à la chaîne de télévision ZDF.