La Belgique teste un traitement révolutionnaire pour sortir du coma

ULg et UCL s’associent pour mettre au point un traitement à base d’apomorphine. Le traitement dure 30 jours par injections sous-cutanées. Objectif : sortir plus vite du coma.

L’étude est dirigée par le professeur Steven Laureys, neurologue clinicien à la tête du Coma Science Group au centre GIGA à Liège et directeur de recherches au F.R.S-FNRS. © Le Soir/Dominique Duchesnes

L’étude est dirigée par le professeur Steven Laureys, neurologue clinicien à la tête du Coma Science Group au centre GIGA à Liège et directeur de recherches au F.R.S-FNRS. © Le Soir/Dominique Duchesnes

Les deux équipes belges du Coma Science Group du GIGA-Consciousness à l’Université de Liège et du Centre Hospitalier Neurologique William Lennox (Saint-Luc UCL) annoncent ce mercredi le début du traitement d’une première patiente dans un essai clinique qui pourrait révolutionner le traitement de patients lésés cérébralement.

L’étude étudie les effets de l’apomorphine administrée par voie sous-cutanée chez des patients atteints de lésions cérébrales avec des troubles de la conscience. L’apomorphine permet de provoquer des vomissements en cas d’intoxication orale et se fixe sur certains récepteurs de la dopamine pour des usagers en sevrage d’alcool ou même d’opium. Elle favorise les vomissements en cas d’absorption d’alcool (effet Antabuse) ou de petites doses de morphine tout en s’y substituant partiellement en comblant certains effets de manque. Son effet dopaminique particulier est également recherché dans le traitement de la maladie de Parkinson ou encore celui de l’impuissance. Elle peut être prescrite après « la lune de miel », lorsque les traitements antiparkinsoniens ne permettent plus une stabilité de l’état moteur sur la journée. Dans le passé, des patients ont aussi été délivrés de leur addiction aux opiacés en quelques jours d’hospitalisation.

L’étude que lance aujourd’hui les deux universités francophones vise à confirmer les effets cliniques observés chez des patients atteints de lésions cérébrales avec des troubles de la conscience suite à l’administration de ce médicament et à corréler ces améliorations comportementales avec des changements du fonctionnement cérébral mesurés par des techniques de neuroimagerie. Les résultats contribueront à définir des règles plus claires pour le traitement des patients souffrant de troubles de la conscience et apporter une meilleure compréhension des réseaux dopaminergiques impliqués dans la génération de la conscience et ses altérations.

Très peu de solutions actuellement

L’étude se déroule au Coma Science Group et au Centre Hospitalier Neurologique William Lennox à Ottignies en Belgique. Le Coma Science Group est un centre de recherche pionnier au niveau mondial pour l’étude des troubles de la conscience. Il vise à améliorer la prise en charge médicale des patients dans le coma, en état d’éveil non-répondant ou dans un état de conscience minimale, et il s’attelle à identifier les corrélats neuronaux de la conscience. Le Centre Hospitalier Neurologique William Lennox est un hôpital renommé et un centre d’expertise pour la revalidation neurologique des patients souffrant de troubles de la conscience.

L’étude est dirigée par le professeur Steven Laureys, neurologue clinicien à la tête du Coma Science Group au centre GIGA à Liège et directeur de recherches au F.R.S-FNRS. Son travail a été salué par l’attribution du prix Francqui, le « Nobel belge ».

« Nous disposons actuellement de très peu d’options thérapeutiques pour aider les patients à récupérer du coma. Nous sommes donc très enthousiastes à l’idée de démarrer cet essai clinique qui évaluera dans un cadre contrôlé et de manière multimodale l’efficacité de ce médicament prometteur pour le traitement de nos patients », rapporte le professeur Steven Laureys. Des études précédentes ont montré que l’apomorphine, un agoniste dopaminergique direct non-sélectif, peut améliorer considérablement la récupération des patients souffrant de troubles de la conscience dans les jours ou les semaines suivant l’introduction du traitement. Ces patients avaient notamment déjà été traités avec d’autres agents dopaminergiques, sans amélioration comportementale. Cette étude examinera la réponse à un traitement de 30 jours par des infusions sous-cutanées d’apomorphine quotidiennes chez des patients en état d’éveil non-répondant ou en état de conscience minimale. Dans une phase initiale, le traitement sera connu du médecin et de la famille du patient puis une seconde phase sera réalisée de manière contrôlée par placebo, randomisée en double aveugle.

Une batterie de tests

Les mesures effectuées comprennent des évaluations comportementales standardisées ainsi que des techniques d’imagerie cérébrale multimodale, combinant l’imagerie par résonance magnétique (IRM), la tomographie par émission de positon (TEP) et l’électroencéphalographie (EEG) ainsi que des mesures d’actigraphie et de température corporelle. Ces techniques pourront contribuer à identifier un ensemble de biomarqueurs associés à une réponse au traitement et participer à une meilleure compréhension des réseaux neuronaux modulés par les agents dopaminergiques dans ces pathologies.

Les patients seront suivis pendant 30 jours avant le début du traitement, durant tout le traitement et 30 jours après son arrêt. Un suivi comportemental à long terme sera effectué jusqu’à 2 ans au moyen d’entretiens téléphoniques structurés. Des analyses statistiques seront effectuées en aveugle afin de détecter les changements du comportement, du rythme circadien, du métabolisme cérébral et de la connectivité fonctionnelle, à la fois au niveau individuel qu’au niveau du groupe.

 

Source:  https://www.lesoir.be/193937/article/2018-12-05/la-belgique-teste-un-traitement-revolutionnaire-pour-sortir-du-coma

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