Opinions

Une opinion de Muriel de Pauw, chargée de campagne Agriculture chez Greenpeace.
 
 
Voici pourquoi l’année 2017 doit être l’année où le glyphosate sera définitivement banni :

1. Des études manipulées par Monsanto

Dans le cadre d’un procès intenté contre Monsanto par des dizaines de travailleurs agricoles victimes d’un cancer du système lymphatique, un juge américain a demandé à ce que des centaines de mails internes de Monsanto soient déclassifiés. Il ressort clairement de ces mails du géant de l’agrochimie que dans les années 90, Monsanto a fait tout son possible pour éviter que le glyphosate, l’ingrédient principal du Roundup, soit interdit. Monsanto, à cette fin, n’a pas hésité à payer des scientifiques pour écrire des études positives. Ou même à écrire elle-même des études et à ensuite chercher des scientifiques prêts à mettre leur nom sous le document. Il ressort également de ces courriers internes qu’un toxicologue belge, Mark Martens, a joué un rôle important en tant qu’intermédiaire entre la firme et les scientifiques.

2. Un manque de transparence

Pour autoriser le glyphosate, la Commission européenne se basera notamment sur les avis de l’EFSA, Agence européenne de la sécurité alimentaire, et l’ECHA, agence européenne des produits chimiques. Toutes deux ne considèrent pas le glyphosate comme "probablement cancérigène". Malheureusement, pour donner leur avis, tant l’EFSA que l’ECHA se basent sur des études non-publiées et financées par l’industrie chimique. Même si des résumés sont disponibles, l’entièreté des études est inaccessible au public, et même aux parlementaires européens, sous prétexte de secret industriel. De plus, de forts soupçons de conflits d’intérêts pèsent sur des scientifiques ayant participé à ces évaluations – quand leurs noms sont connus, ce qui n’est pas toujours le cas.

3. "Cancérigène probable" selon le CIRC

A l’inverse, les scientifiques du CIRC, le centre international de la recherche sur le cancer, organe de l’Organisation mondiale de Santé, ne se sont appuyés que sur des études publiées pour rendre leur évaluation. Et ces scientifiques ont été soigneusement sélectionnés pour éviter tout conflit d’intérêts. Leur conclusion, rendue en mars 2015 : le glyphosate est un "cancérigène probable".

4. Le principe de précaution européen

Suivant le principe de précaution, l’Europe devrait donc interdire le glyphosate afin de protéger la santé de ses citoyens et l’environnement. Si l’on sent du gaz dans un immeuble, ne vaut-il pas mieux l’évacuer en entier pour s’assurer que rien de grave ne peut arriver ?

5. Opposition grandissante

Par ailleurs, l’opposition au glyphosate ne cesse de croître. Une initiative citoyenne européenne demandant l’interdiction du glyphosate a déjà réuni plus de 700 000 signatures. Quand le million sera atteint, la Commission sera sommée de répondre aux requêtes des citoyens. Parmi celles-ci, outre la demande d’interdiction : une transparence totale dans la remise d’avis des agences européennes. Côté politique, deux eurodéputés ont demandé une commission d’enquête au Parlement européen sur les pratiques de Monsanto. Et en Belgique, après la Wallonie et Bruxelles, le parlement flamand vient d’annoncer son intention de lui aussi interdire l’utilisation du glyphosate par des particuliers. Des études potentiellement manipulées, des avis sans doute influencés par l’industrie, une opposition grandissante, qu’attend donc le gouvernement fédéral ? Il est grand temps que notre ministre fédéral de l’Agriculture Willy Borsus et sa collègue de la Santé, Maggie De Block, prennent enfin leurs responsabilités et agissent avec bon sens pour bannir le glyphosate, dès que possible. Pour notre bien à tous et celui de notre planète ! Car avec tout ce débat, on en oublierait presque que le glyphosate est tout simplement nocif pour notre environnement. Et ça, personne ne le remet en cause, pas même les agences européennes qui l’admettent dans leur conclusion.