Dans le sud de la Belgique on utilise une technologie française de surveillance des eaux usées pour prédire le retour du virus SARS-CoV-2

"En Wallonie, les eaux usées sont surveillées pour prédire le retour du virus

Une surveillance permanente a été mise en place dans huit stations d’épuration réparties sur l’ensemble du territoire wallon.

Une surveillance permanente a été mise en place dans huit stations d’épuration réparties sur l’ensemble du territoire wallon. – Cap.

Nom de code : Obépine pour « Observatoire épidémiologique des eaux usées ». Obépine a été mis en place dès le début de l’épidémie par le service chargé de la surveillance des eaux du bassin parisien (Eau de Paris) en collaboration avec l’université de la Sorbonne et l’Institut de recherche biomédicale des armées. Son objectif est de surveiller la présence du génome du Covid-19 dans les eaux usées sur la base des observations faites en Italie mais aussi dans les pays asiatiques qui montrent une corrélation entre la concentration du matériel génétique du virus dans ces eaux et les cas de Covid dans une région.

Ces derniers jours, les analyses parisiennes montrent une concentration un peu plus importante des fragments de virus – mais elle reste limitée –, ce qui met en alerte les épidémiologistes. Cette hausse probablement liée au déconfinement pourrait prédire une reprise légère des contaminations. « Les scientifiques, notamment chinois, ont pu démontrer très rapidement qu’une personne contaminée va excréter le virus dans ses selles dès le début de l’infection et parfois même plusieurs jours avant le début des symptômes. Et c’est aussi le cas pour les personnes asymptomatiques. Ces selles vont être évacuées via les toilettes dans le réseau d’assainissement. En analysant les eaux usées, on peut retrouver du matériel génétique du virus. En fonction de la quantité de matériel génétique trouvée et surtout de son évolution dans les différentes analyses effectuées, on peut déterminer si les contaminations au Covid-19 sont en augmentation dans la région desservie par le réseau d’assainissement », explique Sylvain Purson, chargé de formation et d’études à l’Office international de l’eau (OIEau).

 

 

Cette association française d’utilité publique a pour mission de développer les compétences des acteurs publics et privés pour une meilleure gestion de l’eau en France, en Europe et même dans le monde.

Une spin-off wallonne à la pointe

Pour Joseph Pronost, directeur de la formation et de l’ingénierie pédagogique à l’OIEau, cette détection précoce du matériel génétique du Covid dans les eaux usées peut être un important outil prédictif pour les autorités sanitaires : « Comme les fragments du virus peuvent être détectés dans les eaux usées plusieurs jours voire parfois plusieurs semaines avant le début des contaminations recensées par les services de santé », explique-t-il, « cela peut aider les autorités à mettre en place des mesures de prévention particulières. On peut même aller plus loin en déterminant plus précisément où les contaminations sont importantes en remontant le réseau d’assainissement et en réalisant des analyses plus précises à l’échelle d’un sous-secteur géographique. »

En Wallonie, la Société publique de gestion de l’eau (SPGE) a très vite saisi l’opportunité d’assurer une surveillance rapprochée des eaux usées dans le cadre de cette épidémie. « Dès le début, nous avons demandé à l’OIEau de réaliser une analyse de la littérature scientifique existante sur le sujet », explique Jean-Luc Martin, président du comité de direction de la SPGE. « Ensuite, nous avons mené divers contrôles et depuis le 5 juin, nous avons mis en place une surveillance permanente de la présence du Covid-19 dans les eaux usées dans huit stations d’épuration réparties sur l’ensemble du territoire wallon. Des analyses sont réalisées deux fois par semaine au sein de ces stations. »

 

Ces analyses ont été confiées à la société E-Biom, spin-off de l’université de Namur, spécialisée dans l’analyse génétique environnementale. « Au départ, nous sommes spécialisés dans la recherche de l’ADN des espèces protégées dans l’environnement », explique Jonathan Marescaux, docteur en biologique et cofondateur d’E-Biom. « Nous pouvons aussi rechercher la présence de bactéries ou de virus à ARN dans les eaux. C’est pour cela que nous avons été sollicités par la SPGE car nous sommes le seul laboratoire à pouvoir effectuer ces analyses en Belgique. Notre technique n’est pas révolutionnaire en soi mais elle demande un certain savoir-faire. Elle se base sur le même principe que les tests PCR pratiqués sur les humains. »

Des eaux wallonnes « Covid-free »

Les analyses déterminent la quantité de matériel génétique du virus présent dans les eaux usées. « Au début de nos analyses en juin, nous parvenions encore à détecter du virus mais à un taux très bas qui montrait que nous étions dans la phase descendante de l’épidémie », poursuit Jean-Luc Martin de la SPGE. « Et depuis quelques jours, nous ne détectons quasiment plus rien, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. On va donc maintenant surveiller cela de près. Si à certains endroits, les taux remontent, cela pourrait être un signal d’alerte d’une éventuelle reprise des contaminations. » Dans ce cas, la SPGE alerterait les autorités régionales qui pourraient déterminer des mesures de prévention particulières à mettre en place dans le cadre d’une possible reprise des contaminations dans les jours suivants les analyses.

À l’instar d’autres pays européens qui ont mis en place un système de surveillance des eaux usées dans le cadre de cette épidémie, Sciensano envisage également une telle mesure à l’échelle du pays. L’institut de santé publique s’est d’ailleurs informé auprès de la SPGE et de la société E-Biom pour étendre le système aux stations bruxelloises et flamandes. Trente-trois stations d’épuration pourraient ainsi être surveillées en Belgique. « Nous avons la possibilité d’élargir considérablement nos capacités de tests et d’analyses si le besoin s’en fait sentir. Nous n’hésiterons pas non plus à partager nos techniques avec le monde scientifique si cela est nécessaire », rassure déjà Jonathan Marescaux.

La présence précoce du Covid-19 dans les eaux usées est un indicateur presque inespéré pour les scientifiques pour qui, jusqu’à présent, le virus semblait toujours avoir une longueur d’avance.

L’infectiosité non démontrée

S.Dx

Le virus détecté dans les eaux usées et les stations d’épuration est-il encore infectieux ? La question n’est pas complètement tranchée. « Les études menées jusqu’à présent n’ont démontré ni une infectiosité ni une non-infectiosité », précise Sylvain Purson, de l’Office international de l’eau. Une chose est certaine toutefois : jusqu’à présent, ce n’est pas le virus en tant que tel qu’on retrouve dans les eaux usées mais bien du matériel génétique, et donc d’infimes fragments de celui-ci. « Même si ce n’est pas encore complètement démontré, le risque d’une contamination notamment du personnel chargé du réseau d’assainissement est très faible car les fragments de virus retrouvés dans les stations ont été altérés par le passage dans le réseau et dilués dans les eaux. Cependant, dans une recommandation officielle, l’OMS recommande d’appliquer le principe de précaution notamment en prévoyant du matériel de protection adéquat pour le personnel ».

 

Source:  https://plus.lesoir.be/312757/article/2020-07-12/en-wallonie-les-eaux-usees-sont-surveillees-pour-predire-le-retour-du-virus

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