Eric Domb: «En Wallonie, il y a un contexte qui nous invite à la médiocrité»

Mis en ligne le 9/11/2018 à 17:21 Par Béatrice Delvaux , Benoît July et Elodie Lamer

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L ’esprit d’entreprise a gagné énormément de terrain au cours de ces dernières années. Je pense qu’il y a plein de petites boîtes qui sont en train de se créer  », assure Eric Domb. mais il ne va pas jusqu’à assurer que l’économie du Sud du pays va mieux. «  Je n’en sais rien  », répond-il. Il sèche aussi au moment où on lui demande de citer un exemple de pépite en développement, devant le constat que les success story wallonnes dont on parle aujourd’hui sont les mêmes que celles d’il y a dix ans. «  Je vous assure que mon optimisme n’est pas béat, c’est un optimisme d’observation  ».

Selon lui, ce qui manque aux Wallons, c’est, en substance, l’ambition. «  C’est aujourd’hui un terme qui n’est accepté que dans son acception péjorative. On n’ose même pas rêver qu’on puisse créer de grandes entreprises alors que c’est dans l’intérêt de tous  ». Preuve en est qu’au Nord du pays, plus dynamique sur le plan économique, «  les charges, les cotisations sociales, sur lesquelles on tape, sont les mêmes  ».

Sa critique continue d’aller crescendo sur l’état d’esprit des Wallons. «  J’ai le sentiment que l’écosystème socioculturel dans lequel nous sommes est un contexte qui nous invite à la médiocrité. C’est “restons petits”  ». Les Flamands, eux, ont moins «  de complexes  ». «  Je vais me fâcher avec certains de mes amis de l’Union wallonne des entreprises, mais ce n’est pas le politique, ce n’est pas l’administration qui posent problème. Fondamentalement, l’état d’esprit est le facteur le plus déterminant dans la lente progression de l’activité  » économique en Wallonie.

Au point qu’on se félicite même de n’avoir rien qu’essayé. Dans ce contexte, le témoignage de Cloquet sur le dossier AirBelgium donne un écho particulier. «  C’était un dossier compliqué, avec beaucoup de risques. Il se fait que pour des raisons X ou Y cette société a suspendu ses vols et je pense qu’elle va redémarrer. Je le souhaite. Mais ma plus belle satisfaction  », se souvient-il, «  c’était dans un réfectoire avec mes bagagistes à cinq heures du matin  », quand ces derniers lui ont exprimé leur satisfaction devant ce qui avait été accompli. «  On s’est dit que même si ça ne continue pas, on a quand même su le faire  ».

La Walloon touch, le secteur public ?

Quand on lui demande de nous citer à son tour une jeune success story wallonne, Jean-Jacques Cloquet lâche d’emblée «  les aéroports wallons  ». Un réflexe qui n’a rien de hasardeux, puisqu’il a été l’administrateur délégué de celui de Charleroi depuis 2012. «  Oui, mais c’est public, ça  », lui rétorque Domb.

En Wallonie, pas de succès si le public n’est pas à notre chevet ? «  Ce que les aéroports ont fait depuis 25 ans, c’est une très bonne utilisation de l’argent public  », se justifie Cloquet, légèrement sur la défensive. Pourtant, la Commission européenne s’en est mêlée. En janvier dernier, le Tribunal de l’Union européenne a rejeté le recours de l’exploitant de l’aéroport carolo, Brussels South Charleroi Airport, contre la décision de l’institution européenne, à la suite d’une enquête commencée en 2002, d’ordonner le remboursement de six millions d’euros à la Belgique, une somme considérée comme une aide d’État illégale au regard des règles européennes sur la concurrence.

«  Suite à des plaintes venues d’on sait où, la Commission a jugé qu’il fallait considérer la Région wallonne comme un investisseur privé. A ce moment-là, la pièce était jouée  », estime Cloquet.

Une comparaison assez contre nature, si l’on suit le raisonnement du futur bras droit d’Eric Domb, puisque davantage que de gros dividendes, «  de quel retour sur investissement rêvait la Région ? De créer de l’emploi et de l’activité économique. Charleroi, ce sont 2.500 emplois quand même. Cela réduit la pauvreté. Et quand j’entends certains qui disent qu’il faut taxer les compagnies aériennes, je dis non. C’est un investissement : on dit que les taxes sont plus faibles parce qu’on veut générer de l’activité et de l’emploi. Est-ce que cela met une concurrence déloyale ? Quand je vois le développement et les résultats financiers de Brussels Airport, je ne pense pas  », dit Cloquet.

Un questionnement devant lequel se retrouve encore une fois la Wallonie, avec l’arrivée du Chinois Thunder Power à Gosselies. Son bras financier, la Sogepa, a accepté d’investir dans la holding du groupe aux Iles Vierges britanniques et de mettre les mains dans le cambouis de la construction automobile. «  C’est un choix qui n’est pas facile mais on se rend compte que si on ne le fait pas on risque de louper une opportunité. Le futur dira si c’était judicieux  ».

Source:  https://plus.lesoir.be/189168/article/2018-11-09/eric-domb-en-wallonie-il-y-un-contexte-qui-nous-invite-la-mediocrite

 

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