Nucléaire? Eolien? Voici le coût réel… (OPINION)

Contribution externe Publié le vendredi 03 février 2017 à 14h09 – Mis à jour le vendredi 03 février 2017 à 19h34 

Une opinion de Tanguy Detroz, CEO de l’agence Dapesco. 

 

On peut reprocher à l’éolien son impact visuel ou son effet stroboscopique sur les habitats proches, mais en aucun cas l’argument économique ne tient la route. Démonstration. 

A chaque projet éolien qui sort de terre, c’est la même argumentation qui revient : les énergies renouvelables ne seraient pas compétitives par rapport au nucléaire, déjà bien présent dans notre pays. Pour “descendre” les énergies renouvelables, on dit d’ailleurs souvent que, sans mécanisme de subvention, elles ne seraient pas là. C’est probablement aller un peu vite en besogne et ne pas se poser toutes les questions relatives au coût réel du nucléaire… et de l’éolien.

On estime souvent le coût de l’énergie produite par une centrale nucléaire à 20€/MWh, à la sortie de l’alternateur. Mais ce montant prend-il en compte l’ensemble des éléments ? Regardons les nouvelles centrales : l’EPR de Flamanville, qui peine à démarrer (comme la majorité des nouvelles centrales), a déjà coûté 10 milliards d’euros sans avoir livré le premier kWh. Sur base d’une puissance de 1650 MW et d’une durée de fonctionnement annuelle de 8 000 heures, et en espérant qu’il fonctionnera durant 40 ans, on arrive à une production totale d’environ 500 millions de MWh. Bingo, 10 milliards d’euros divisés par 500 millions de MWh, ça fait bien 20€/MWh. CQFD. Sauf que… pour qu’un réacteur fonctionne, il faut quand même quelques personnes sur site.

2000, si on en croit les études réalisées dans le cadre de la fermeture de Fessenheim en France. Deux mille personnes, ah oui, quand même. Soyons fous, disons qu’elles coûtent (ce qui est faux) seulement 50 000 euros/an, ça veut donc dire 100 millions d’euros en plus par an à ajouter dans le coût du MWh. Nos 10 milliards du départ se transforment en 14 milliards (100 millions durant 40 ans).

Et puis, tout compte fait, ce ne serait pas mal de prévoir de démanteler cette centrale. Là aussi, tous les regards se tournent vers la France où EDF doit déjà démanteler 6 réacteurs (1) mais vient d’annoncer qu’elle ne sait pas comment elle fera, et qu’il vaut mieux reporter le démantèlement… au 22e siècle (2) ! L’expérience (pas très concluante, il est vrai) tend à démontrer que démanteler une centrale nucléaire coûte plus cher que de la construire. Cela paraît assez logique, poser un tube en acier est plus facile et moins coûteux qu’enlever ce même tube, une fois qu’il est devenu radioactif.

Notre centrale est donc passée de 10 milliards à 14 (exploitation), puis maintenant à 24 (démantèlement). Et ça, c’est en espérant que 10 milliards suffiront dans 40 ans, ce qui est peu probable. Donc, au minimum, le MWh sortie alternateur passe de 20€ à 48€. Enfin, last but not least, il faut encore entreposer les déchets et là, re-bingo, celui ou celle qui signera le contrat de gardiennage du site de stockage pour les 10 000 ans à venir aura une commission qui fera ressembler le salaire de Stéphane Moreau à de la roupie de sansonnet.

Imaginez le prix d’une équipe de 4 personnes avec un chien de garde pendant 10 000 ans. Si Toutânkhamon avait eu besoin du même gardiennage, on ne serait pas encore à la moitié du contrat ! Donc, réalistement, un MWh nucléaire coûte plutôt 55-60€ que les 20€ souvent annoncés. En partant de l’hypothèse, non encore démontrée, qu’on va arriver à démanteler ces centrales après usage. Et de la seconde hypothèse qu’il n’y a aucun accident majeur.

Face à cela, une éolienne dont on estime le coût d’installation actuellement à 1 million d’euros par MW installé. Une éolienne fonctionnant environ 2500h/an à pleine puissance pendant 20 ans, ça donne 50 000 MWh. En tablant sur 1 million d’investissement et 50 000 euros de frais de maintenance annuelle, ça nous ramène le MWh produit à 40€. Et, dans 20 ans, on garde le pylône et on change juste la nacelle au-dessus, en sachant dès à présent comment on va démonter la machine. On pourra donc reprocher à l’éolien sa flexibilité, son impact visuel ou son effet stroboscopique sur les habitats proches, mais en aucun cas l’argument économique ne tient la route. Il semble utile de le rappeler.

(1) Chinon, St-Laurent-des-Eaux et le Bugey

(2) Réunion du 29 mars 2016 entre EDF et l’Autorité de Sûreté Nucléaire

 

 

Source:  http://www.lalibre.be/debats/opinions/nucleaire-eolien-voici-le-cout-reel-opinion-58935dd9cd70ff671df2d667

 

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