Quels sont les freins et les succès économiques de la Wallonie depuis dix ans ? Et par rapport à la Flandre ?

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il y a 43 minutes•Temps de lecture5 min InfoPar Romane Bonnemé avec Belga

Comment se porte l’économie wallonne depuis dix ans ? C’est à cette question que répond le dernier rapport de l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (Iweps) publié ce vendredi.

Il révèle que si le produit intérieur brut (PIB) wallon s’est renforcé d’1,5% en moyenne chaque année au cours de la dernière décennie – notamment grâce à une certaine progression du taux d’emploi, principalement dans le secteur tertiaire -, de nombreux freins persistent.

Ainsi, le sud du pays souffre toujours de nombreux déséquilibres structurels comme une moindre industrialisation que l’économie flamande. Le nord du pays ayant connu une croissance moyenne de +2% par an entre 2014 et 2022.

Ces dernières années, la Wallonie peine à rivaliser économiquement avec la Flandre. Mais pourquoi ? Décryptage de ces différences économiques régionales. L’analyse complète est à lire ici.

Croissance annuelle du PIB de 2014 à 2023

Croissance annuelle du PIB de 2014 à 2023 © Iweps

Quatre composantes au PIB par habitant

Pour analyser les écarts entre la Wallonie, sa voisine du nord et la moyenne belge, l’Iweps émet l’hypothèse que la valeur du PIB par habitant dépend de quatre facteurs :

  • de la proportion de la population résidente qui est en âge de travailler et, donc, susceptible de soutenir une production de biens ou de services, ce qu’on nomme le “taux de support potentiel”
  • de la part de cette population qui est effectivement engagée dans un processus de production, c’est-à-dire celle qui détient un emploi, appelée “taux d’emploi”
  • de la mesure dans laquelle l’offre d’emploi dans l’espace en question dépasse ou retient ces résidents ayant un emploi, soit le “degré d’autonomie d’emploi”
  • du niveau moyen de valeur ajoutée de la production intérieure par emploi local, que l’on résume par “productivité”

Hausse du taux d’emploi mais moindre productivité en Wallonie

Dans le tableau ci-dessus, on remarque ainsi que l’accroissement du PIB par habitant dans les trois régions s’explique en partie par la progression du taux d’emploi (soit la population active occupée rapportée à la population des 20-64 ans). En Wallonie depuis dix ans, l’intensité en emploi de la croissance économique s’est renforcée de l’ordre de 1,2%. Soit environ 15.000 créations nettes d’emplois chaque année. Et ce, en dépit des crises, sanitaire puis inflationniste, qui ont marqué la période plus récente (2020-2023).

Sauf que l’institut souligne que “la Wallonie présente l’emploi local le plus faible en proportion de la population active occupée (89%). La productivité y est aussi la plus faible et le taux d’emploi est inférieur à la moyenne belge“.

C’est l’inverse pour la Flandre qui se singularise par son taux d’emploi plus élevé que la moyenne belge. 

“Tertiarisation” de l’économie wallonne

Le rapport souligne que les créations d’emplois en Wallonie ces dix dernières années s’inscrivent dans une poursuite du processus de”tertiarisation” de l’économie, c’est-à-dire le développement du secteur économique regroupant toutes les activités (commerce, transports, banque, etc.) ne relevant ni du secteur primaire (agricole), ni du secteur secondaire (industriel).

La main-d’œuvre tertiaire travaille dans des branches qui affichent un niveau de productivité relativement plus faible, telles que les services aux entreprises, les services publics et de santé, au détriment notamment des branches industrielles historiquement plus productives.

À cet égard, souligne encore l’Iweps, “le relèvement des gains de productivité, y compris dans les services, demeure un défi pour l’économie wallonne – comme pour l’ensemble des économies occidentales – dans le but d’améliorer les perspectives de croissance économique à long terme.

Par ailleurs, en Wallonie, l’écart entre le taux d’emploi des personnes faiblement scolarisées et celui des diplômés de l’enseignement supérieur était, en 2022, plus élevé qu’en moyenne en Europe. Autrement dit, les personnes à faible diplôme sont trop peu à l’emploi en Wallonie. Le rapport rappelle aussi que “l’évolution est trop lente au regard des objectifs régionaux (68,7% en 2025 et 75% en 2030)“.

Dimension sectorielle importante durant les crises sanitaires et énergétiques

La tertiarisation de l’économie wallonne explique “notamment en partie pourquoi [elle] a moins rebondi que l’économie flamande en 2021, cette dernière, plus industrielle, profitant davantage de la résilience de ce type d’activité à l’échelle internationale“, lit-on encore dans ce rapport.

Concrètement, après un net rebond en 2021 (+4,8%) et 2022 (+3,3%), l’activité économique wallonne s’est ralentie. En 2023, le PIB wallon se serait néanmoins accru un rythme de +1,7%, soutenu exclusivement par la demande intérieure.

Évolution des revenus et du PIB/habitant en Wallonie. Base 100 en 2014.

Évolution des revenus et du PIB/habitant en Wallonie. Base 100 en 2014. © Iweps

En revanche, en 2022, le nord du pays a connu une baisse des exportations en raison de “la détérioration du contexte international et le contrecoup de l’augmentation exceptionnelle des exportations de vaccins de l’année précédente“, souligne le rapport. La dynamique commerciale s’y est toutefois maintenue et la croissance de la consommation des ménages a légèrement dépassé 3 %.

En Wallonie, la logique a été inverse : “le retour à la normale dans le secteur pharmaceutique a maintenu la contribution industrielle à flot et soutenu les exportations“, lit-on encore.

Dans le même temps cependant, note le rapport, “l’activité commerciale s’est à nouveau repliée nettement en Wallonie, dans un contexte d’inflation aiguë qui a contraint plus nettement la croissance, et le rattrapage du volume de consommation privée (+2,4 %, contre +3,2 % au niveau national)“.

A Flourish chart

Après un repli du pouvoir d’achat des Wallons en 2022 à cause de la crise énergétique couplée avec la hausse des taux d’intérêt, l’année 2023 s’est déroulée sous des auspices plus favorables.

Le pouvoir d’achat, aussi appelé revenu disponible, a augmenté l’an dernier comme le montre le graphique ci-dessus. Cette hausse est plus importante pour les Wallons que pour la moyenne belge, “avec notamment une contribution plus forte de la consommation des ménages que dans le reste de la Belgique“, indique le rapport qui ajoute que “les dépenses privées ont en effet été soutenues par la remontée du pouvoir d’achat, auquel les ménages wallons sont plus sensibles, liée notamment aux effets retardés de l’indexation alors que l’inflation décroît“.

Par ailleurs, le rapport pointe le rôle important des mécanismes de redistribution qui “devraient avoir retrouvé un rôle de renforcement des revenus des ménages“, en 2023.

Une redistribution critiquée depuis des années par les nationalistes flamands qui dénoncent les transferts Nord-Sud en Belgique. Selon eux, les milliards d’euros qui transitent de la Flandre vers Bruxelles et la Wallonie créeraient une injustice fiscale à l’égard des Flamands.

Pourtant, les experts s’accordent à dire que ces transferts ne sont que le résultat naturel d’une solidarité entre régions présente dans tous les pays du monde. Y mettre fin entraînerait une pression accrue sur les systèmes de sécurité sociale. Finalement, derrière cet enjeu, c’est la question de l’identité nationale, de la solidarité entre les régions et de l’avenir du pays qui se pose.

Source: https://www.iweps.be/wp-content/uploads/2024/04/REW2024-complet.pdf

https://www.rtbf.be/article/quels-sont-les-freins-et-les-succes-economiques-de-la-wallonie-depuis-dix-ans-et-par-rapport-a-la-flandre-11365899

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