Des élèves et des professeurs bruxellois interpellent les ministres belges de l’Agriculture

Sophie Wilmes Benoit Cassart
“Il est nécessaire de transformer le système alimentaire industriel mondial.” ©EDA

“Des élèves et des professeurs interpellent les ministres belges de l’Agriculture

Générateur de conséquences néfastes et irréversibles, le système alimentaire industriel mondial doit être réformé vers des systèmes plus durables et résilients où la dignité humaine prévaudra.

Contribution externe

Contribution externe

Publié le 24-06-2024 à 16h06 Mis à jour le 24-06-2024 à 16h10

Une lettre ouverte signée par les élèves et les professeurs de 4e de l’Institut de la Vierge Fidèle (*)

À l’attention des Ministres de l’Agriculture belges, Monsieur David Clarinval, Madame Marie-Claude Hennen et Monsieur Willy Borsus, ainsi qu’au Conseil Agriculture qui regroupe les 27 Ministres de l’Agriculture qui représentent chacun des États membres,

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Nous, en tant que jeunes citoyens belges, européens et du monde, vous adressons cette lettre avec une requête urgente. Nous vous demandons de bien vouloir relayer notre message au niveau européen en l’inscrivant à l’ordre du jour du prochain Conseil des Ministres de l’Union Européenne. Notre demande concerne une réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) et une collaboration agricole internationale.

En effet, il est nécessaire de transformer le système alimentaire industriel mondial, en raison de ses conséquences néfastes et irréversibles, en des systèmes plus durables et résilients où la dignité humaine prévaudra sur le profit.

Suffisamment pour plus de 10 milliards de personnes

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Fonds international de développement agricole (FIDA), nous produisons suffisamment pour nourrir plus de 10 milliards de personnes. Cependant, plus de 735 millions de personnes ont souffert de la faim en 2022, dont au moins 70 % sont des agriculteurs, éleveurs et pêcheurs.

De nombreuses politiques mises en place jouent un rôle majeur dans l’augmentation constante des inégalités mondiales. En voici 3 exemples pour preuve :

· Les politiques commerciales au niveau mondial sont caractérisées par une orientation vers la libéralisation des échanges, ce qui signifie que les barrières commerciales sont réduites, favorisant ainsi la circulation des produits agricoles à l’échelle internationale. Cependant, cette approche créée une concurrence inégale et déloyale entre les différents agriculteurs du monde. De fait, les pays avec des agricultures moins productives ou moins compétitives sont désavantagés sur le marché mondial, ce qui peut compromettre la sécurité alimentaire des populations qui dépendent de ces agricultures pour leur subsistance.

· Les politiques agricoles adoptées par de nombreux gouvernements favorisent la plupart du temps les grandes exploitations et les cultures destinées à l’exportation, au détriment des petits producteurs locaux et de l’agriculture vivrière.

· Les politiques énergétiques actuelles encouragent la production et l’utilisation de biocarburants comme alternative aux énergies fossiles. Cependant, cette transition vers les agrocarburants entraîne des répercussions négatives sur la sécurité alimentaire, en particulier dans les pays où l’agriculture est une source importante de subsistance pour la population.

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Outre le rôle des systèmes économiques et de ces différentes politiques mises en place à l’échelle mondiale, le système agricole conventionnel lui-même pose des problèmes. Bien qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la maximisation des rendements était un but et une nécessité en soi après de nombreuses années de recul, le constat est désormais clair : le système agricole conventionnel actuel va droit dans le mur. L’usage massif de machines, d’intrants chimiques, de semences à hauts rendements et la libéralisation des échanges ont des impacts négatifs importants et détruisent à grand feu notre planète Terre.

Ne devrions-nous pas produire mieux et donc de manière plus raisonnée et durable plutôt que toujours vouloir produire plus ?

Voici une liste non exhaustive des nombreuses conséquences négatives que peut avoir le système conventionnel allié aux politiques mises en place :

Au niveau sociétal : ces conséquences affectent le monde entier touchant la société dans son ensemble : pauvreté, insécurité alimentaire, conflits armés, migrations, etc. ;

· Aux niveaux politique et économique : chute des prix agricoles, perte d’emplois, exode rural, migrations forcées, etc. ;

· Au niveau environnemental : déforestation, pollution des eaux et des sols, perte de biodiversité, perturbation du cycle des cultures, baisse des rendements, diminution de la diversité génétique au sein des cultures et des espèces animales, etc. ;

· Au niveau du dérèglement climatique : la production de nourriture émet 26 % des gaz à effet de serre à l’échelle mondiale ;

· Au niveau de la santé humaine et des animaux : pollution de l’air, malnutrition, obésité, risque accru de maladies, etc.

Sains, durables, locaux

À la vue de tous ces impacts négatifs, une transition vers des systèmes alimentaires mondiaux sains, durables et plus locaux serait fondamentale pour notre épanouissement.

Nous savons que notre système n’est plus viable à long terme. Un changement de système est donc nécessaire. N’est-il pas temps de penser à la Planète et ses habitants plutôt qu’au profit ? Ne devrions-nous pas produire mieux et donc de manière plus raisonnée et durable plutôt que toujours vouloir produire plus ?

Les changements doivent avoir lieu à différents niveaux : local, national, européen et mondial. Vous, en tant que politiques, vous pouvez avoir un impact direct sur les trois premiers niveaux.

Des moyens pour des solutions

Il existe de nombreuses solutions pour une agriculture et une consommation durable. Ce qu’il manque ce sont les moyens disponibles pour mettre en place ces solutions. Il faudrait, dès lors, d’une part, mettre en place des politiques impactantes avec comme objectifs :

– La promotion et l’utilisation du commerce équitable dans ses trois dimensions : sociale, environnementale et économique.

– La valorisation et le soutien de l’agriculture durable, des circuits courts, de la consommation locale, de l’agriculture urbaine, des petits agriculteurs et agricultrices.

– La modification des primes à l’hectare vers une rémunération des agriculteurs et agricultrices pour leurs impacts positifs sur l’environnement par l’utilisation de pratiques durables telles que l’agroécologie, la permaculture, l’agriculture biologique, etc.

– Soutenir les entreprises comme les écoles, les institutions publiques, les restaurants mais aussi les grandes surfaces pour qu’ils achètent aux producteurs et productrices locaux.

– Limiter voire interdire les publicités valorisant “la malbouffe”.

– Sensibiliser les citoyens et citoyennes à de nombreux sujets tels que la réduction de la consommation de viande, l’impact sur la santé et l’environnement de la nourriture industrielle, les bienfaits des circuits courts et de la consommation locale, etc.

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Et d’autre part, revoir certaines contradictions au sein de lois ou politiques :

– Arrêter de valoriser les agro-carburants, la monoculture, la nourriture transformée, etc.

– Rendre le label bio gratuit.

– Limiter et mieux réguler et réglementer les traités de libre-échange au niveau de la nourriture.

– Interdire des herbicides dans l’UE mais aussi leur production et leur exportation !

Un choix moral nécessaire

Plus globalement, il faudrait, par une collaboration internationale, via un organe institutionnel tel que l’ONU par exemple, définir les conditions pour développer le commerce équitable au niveau mondial, et des circuits courts aux niveaux national et local.

L’implémentation de ce système à changer est possible, réaliste et réalisable grâce aux buts à atteindre et aux limites à ne pas dépasser, si bien définies par la “théorie du Donut” de l’économiste britannique K. Raworth. Ne représenterait-elle pas un choix moral nécessaire pour le bien de toutes et tous car elle en appelle au droit humain à l’alimentation ?

En vous remerciant pour votre attention et nécessaire Action, nous vous faisons confiance pour prendre les mesures adéquates pour le bien de l’humanité.

⇒ (*) Dans le cadre du Projet “Clap de Faim” promu par la Direction générale Coopération au développement et Aide humanitaire en collaboration avec l’ONG “Îles de Paix”

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