Une vague de guets-apens homophobes en Belgique
“Une vague de guets-apens homophobes dans l’ouest de Bruxelles
Au moins cinq agressions de ce type ont fait l’objet de plaintes durant la dernière quinzaine de juin. Des personnes ont été agressées, insultées et parfois volées, après s’être rendues à un rendez-vous fixé par l’intermédiaire d’une application de rencontres. Article réservé aux abonnés
Journaliste au pôle Enquêtes Par Arthur Sente Publié le 2/07/2024 à 15:30 Temps de lecture: 4 min
A chaque fois, le mode opératoire est le même. Un rendez-vous fixé via une application de rencontres populaire auprès des hommes homosexuels, à l’aide d’un faux compte. Lorsque la victime se rend sur les lieux convenus, généralement un parc, un groupe de personnes l’y attendent et s’en prennent à elle physiquement en la rouant de coups et en l’insultant sur la base de son orientation sexuelle ou de son identité de genre.
Le Soir a appris de sources diverses le dépôt récent d’au moins cinq plaintes liées à des agressions homophobes ayant eu lieu dans l’ouest de Bruxelles au cours des deux dernières semaines du mois de juin, à la fois sur le territoire de la zone de police Bruxelles-Ouest (Molenbeek, Jette, Berchem-Sainte-Agathe, Ganshoren et Koekelberg) et sur celui de la zone de police Bruxelles-Midi (Anderlecht, Saint-Gilles et Forest).
Du côté du parquet de Bruxelles, la réserve est à ce stade de mise sur l’évolution des enquêtes liées à ces agressions et sur les détails concernant ces faits, mais l’existence de cette vague récente de guet-apens est bel et bien avérée. « Nous pouvons vous confirmer que plusieurs plaintes pour agressions à caractère homophobe nous ont été transmises par les zones de police de Bruxelles-Ouest et Bruxelles-Midi », nous indique le ministère public. D’après lui, il est question de cinq plaintes au total. « Plusieurs victimes ont été contactées via une application de rencontres et arrivées sur le lieu de rendez-vous, elles ont été prises à partie par plusieurs agresseurs et ont reçu insultes et coups. Certaines d’entre elles ont également fait l’objet d’un vol sous la contrainte. Les procès-verbaux sont actuellement en traitement au sein du parquet de Bruxelles. »
Des faits similaires jugés en 2022
Ce n’est pas la première fois que des agressions d’une telle nature sont à déplorer en région bruxelloise. En février 2022, le tribunal correctionnel de Bruxelles avait condamné deux individus tous deux nés en 2000 pour des faits très similaires remontant à 2018. Une victime transgenre avait alors été agressée dans un parc anderlechtois, avec l’aide notamment d’un taser (pistolet à impulsion électrique), par deux individus qui s’étaient mis en tête de « casser du pédé », selon leurs propres termes, et n’avaient pas hésité à filmer leurs actes. Un rendez-vous avait préalablement été proposé à la cible de cette violence, contactée via une petite annonce.
Nous déplorons la nouvelle de cette vague de violence inouïe d’agressions physiques dans l’ouest de Bruxelles. Nous apportons notre soutien aux victimes de ces actes innommables
Séphora Fadil, RainbowHouse Brussels
Devant la justice, les agresseurs avaient écopé respectivement d’une peine de travail de 300 heures et d’une peine de prison de 38 mois avec un sursis probatoire s’appliquant sur une durée de cinq ans. Avocat de la victime dans ce dossier, Me Guillaume Lys nous confirme qu’il n’y a jamais eu d’appel à la suite de ce jugement.
A l’époque, la RainbowHouse Brussels, fédération de l’associatif LGBT+ de la capitale, s’était constituée partie civile. A l’aune des événements que nous rapportons, l’ASBL se dit très préoccupée. « Nous déplorons la nouvelle de cette vague de violence inouïe d’agressions physiques dans l’ouest de Bruxelles ces dernières semaines. Nous apportons tout notre soutien aux victimes de ces actes innommables », réagit pour l’association Séphora Fadil, travailleuse sociale en charge d’un projet interne portant sur le signalement d’agressions homophobes et transphobes. « Nous souhaitons leur dire que la RainbowHouse Brussels peut les accompagner si iels ont besoin d’un suivi redirectionnel psycho-médico-socio-juridique, en fonction de leurs besoins. Nous sommes également à leur disposition si iels ont besoin de venir anonymement signaler en parallèle ces violentes agressions. »
Dans un rapport publié en mai sur ce projet de monitoring qu’elle porte en interne, l’ASBL RainbowHouse indiquait avoir reçu, entre 2019 et janvier 2024, 217 signalements pour des faits de violences homophobes ou transphobes, dont 67 faisant état de violences physiques. Ce rapport fait notamment état du faible taux de signalements se traduisant par une plainte déposée auprès de la police : « Sur les 217 signalements de violences récoltés, les signalant.e.s ont indiqué avoir déposé une plainte à la police 29 fois, à savoir dans 13 % des cas – un taux similaire à celui déclaré dans d’autres enquêtes. »
En mai dernier, toujours, un rapport de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) relayé par Le Soir faisait état du fait que 53 % des personnes LGBT+ interrogées en Belgique avaient été harcelées en 2023. Pire encore, 15 % de ces personnes déclaraient avoir subi une agression au cours des cinq années précédant l’enquête – soit 2 % de plus que la moyenne européenne.Outre la possibilité de déposer plainte auprès de la police, les personnes qui, à Bruxelles, sont victimes d’agressions transphobes ou homophobes peuvent effectuer un signalement anonyme auprès de l’ASBL RainbowHouse en prenant rendez-vous par SMS via le numéro 0492/40.84.84. Un signalement peut être également transmis à Unia via l’adresse internet suivante : https://www.melding.unia.be/fr/signale-le
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