5 Belges se donnent la mort chaque jour. Une statistique qui ne tient pas compte des tentatives de suicide ni des morts suspectes.
“Le suicide est la principale cause de décès des jeunes, mais le sujet reste tabou dans la société
Journaliste au pôle Société Par Anne-Sophie Leurquin Publié le 6/09/2024 à 22:18 Temps de lecture: 2 min
Le suicide est la première cause de décès des 15-44 ans en Belgique. Au Centre de prévention du suicide, les jeunes sont de plus en plus présents sur la ligne d’écoute gratuite et anonyme 0800-32.123, ainsi que dans les consultations d’accompagnement des patients en crise suicidaire. Article réservé aux abonnés
La crise du covid a mis en lumière – et accentué – l’ampleur des niveaux d’anxiété et de dépression parmi la population belge, en particulier chez les plus jeunes. Même si le contexte sanitaire a évolué entre-temps, un Belge sur cinq dit encore souffrir de troubles anxieux (18 %) ou dépressifs (20 %). Selon les dernières estimations d’Unicef Belgique, 16,3 % de nos jeunes âgés de 10 à 19 ans ont été diagnostiqués avec un trouble mental en 2022. Soit un sur six…
En mars 2024, le quatrième bulletin Belhealth de Sciensano, sondant la santé et le niveau de bien-être (ou, en l’occurrence de mal-être) de la population, révélait qu’un Belge sur dix dit avoir sérieusement envisagé le suicide au cours de l’année écoulée, tandis que 0,6 % a tenté de mettre fin à leurs jours au cours de la même période. Toujours selon cette enquête longitudinale (réalisée à intervalles réguliers), ce sont les jeunes de 18 à 29 ans qui sont les plus nombreux à rapporter des idées suicidaires (19 %), en particulier les jeunes femmes (23 %).
Une recrudescence inquiétante dont fait aussi état le Centre de prévention du suicide (CPS). Sa ligne d’écoute gratuite et anonyme 0800-32.123 a enregistré une hausse substantielle des appels (33.000 l’an dernier, soit + 43 % par rapport à 2022), y compris de la part de jeunes (environ + 15 %), voire des très jeunes (10-12 ans) élaborant le scénario d’un potentiel passage à l’acte suicidaire. L’an dernier, les psychologues cliniciens spécialisés du CPS, qui accueillent dans un délai de maximum 72 heures les personnes en crise suicidaire ou les familles endeuillées par suicide, ont aussi eu davantage de consultations : 2.000 en 2023, dont un peu moins de la moitié (700 à 800) concernaient des adolescents ou jeunes adultes.
Nommer et questionner les idées suicidaires
« Les raisons d’un passage à l’acte suicidaire sont variées et ne sont pas uniquement liées, comme on pourrait le penser, au harcèlement scolaire », indique le CPS. « Les jeunes se confient, notamment, sur la difficulté à parler de leur souffrance à leur entourage, car ils ont peur qu’elle ne soit pas prise au sérieux. Ils craignent également d’être un “poids” ou un “fardeau” pour leur famille, leurs amis, etc. Une souffrance qui n’est pas exprimée ou entendue s’accentue et rend le quotidien insupportable. C’est la raison essentielle pour laquelle il est nécessaire d’encourager un dialogue entre un proche et un jeune en crise suicidaire. » Une brochure et une vidéo de sensibilisation, préparées à l’occasion de la Journée internationale de prévention du suicide ce 10 septembre, expliquent comment susciter le dialogue, pratiquer l’écoute active sans juger ni minimiser mais aussi aborder les pensées suicidaires.
Car contrairement aux idées reçues, parler ouvertement du suicide ne provoque pas le passage à l’acte suicidaire. Au contraire, insiste le Centre de prévention du suicide : il faut pouvoir nommer et questionner la présence d’idées suicidaires afin que la personne en crise sente que son interlocuteur est disposé à l’écouter et que le sujet n’est pas tabou. « Poser la question du suicide permet un premier soulagement de tension, un peu comme une cocotte-minute », souligne la directrice du CPS, Dominique Nothomb. « Vient ensuite l’étape des ressources spécialisées permettant d’exprimer son ressenti, qu’il s’agisse de la personne en crise suicidaire ou de l’adulte qui a recueilli cette confession. » A noter qu’outre la ligne d’écoute et la consultation de psychologues cliniciens spécialisés, le Centre dispose également d’un forum où les échanges peuvent se faire par écrit après modération.
L’éléphant dans la pièce
La prévention est cruciale quand on sait que le suicide est la principale cause de mortalité des 15-44 ans : près de 27 % des décès chez les hommes et les femmes de 15 à 24 ans, 24 % chez les hommes de 25 à 44 ans et 13 % chez les femmes âgées de 25 à 44 ans. En raison de l’augmentation du nombre de décès liés à des causes concomitantes aux âges plus élevés, la part des décès par suicide diminue avec l’âge, précise Sciensano. Avec 7,39 suicides pour 100.000 habitants (contre 4,37 en moyenne dans l’UE), la Belgique détient le taux de suicide apparent le plus élevé chez les femmes (1,7 fois plus que le taux moyen des pays de l’UE) et le second chez les hommes (1,4 fois).
Un jeune sur cinq meurt par suicide. Bien avant les accidents de la route, le cancer ou encore l’alcoolisme pour lesquels il existe des campagnes de sensibilisation, des recherches, des prises en charge spécifiques et adaptées. Des chiffres plus qu’interpellants et sans doute largement sous-estimés, souligne la directrice du Centre de prévention du suicide, puisque ces statistiques ne prennent pas en compte certaines morts suspectes. Et pourtant, le suicide reste l’éléphant dans la pièce, nimbé de tabous, d’idées reçues et de non-dits. « Ces chiffres doivent être pris en compte par la société civile et par le monde politique », insiste Dominique Nothomb. « Si on n’accompagne pas un jeune en souffrance aujourd’hui, quelle sera la société de demain ? Sans oublier qu’on estime qu’en moyenne quinze personnes seront impactées par un suicide abouti. »En cas de détresse, la ligne d’appel du centre de prévention du suicide est disponible 7j/7 et 24h/24 au 0800 32 123. Des aides et ressources sont aussi disponibles sur les sites preventionsuicide.be, un-pass.be et lesuicide.be
Quelques chiffres
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Le nombre de Belges se donnant la mort chaque jour. Une statistique qui ne tient pas compte des tentatives de suicide ni des morts suspectes.
114
Le nombre de suicides de jeunes âgés de 10 à 24 ans en 2021 (dernières données chiffrées), soit deux suicides par semaine.
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Le suicide est la première cause de décès chez les 15-44 ans
Source: https://www.lesoir.be/621107/article/2024-09-06/le-suicide-est-la-principale-cause-de-deces-des-jeunes-mais-le-sujet-reste-tabou
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