Broyeurs à métaux wallons : les résultats intérpellants de l’étude sur l’exposition des riverains aux polluants

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“Broyeurs à métaux wallons : les résultats de l’étude sur l’exposition des riverains aux polluants sont connus

Il y a 1 heure – mise à jour il y a 1 heure•Temps de lecture6 min

Info Par Jean-François Noulet

Les résultats du biomonitoring autour des broyeurs à métaux wallons sont connus. 121 adolescents, riverains de ces broyeurs ont été volontaires pour participer à l’étude. Idéalement, il aurait fallu que 500 adolescents participent à l’étude. Des analyses de sang et d’urine ont permis de mesurer l’exposition aux polluants émis par les broyeurs à métaux. La concentration en polluants des poussières présentes dans les habitations a aussi été mesurée grâce à l’analyse du contenu de sacs d’aspirateurs.

Des dépassements sont observés pour quelques substances. Cependant, en raison du faible taux de participation à l’étude, les résultats ne sont pas concluants et ne permettent pas de quantifier la part de responsabilité des broyeurs dans l’exposition des riverains aux polluants. Les résultats n’en restent pas moins “interpellants“, estime la ministre wallonne de l’Environnement, Céline Tellier.

Pas assez de candidats acceptant d’être monitorés

Les premières alertes à propos des broyeurs à métaux remontent à 2016, après des campagnes menées par l’Agence wallonne de l’Air et du Climat (AwAC). On s’interroge alors sur les broyeurs et les risques qu’ils représentent en matière d’émissions de polluants organiques persistants (POPs) et de métaux (ETM, éléments-traces métalliques). Des normes d’émission sont alors fixées pour les broyeurs à métaux wallons.

Quelques années plus tard, en 2019, les broyeurs font à nouveau parler d’eux. La pollution autour d’un broyeur de Courcelles inquiète. Par la suite, les autorités wallonnes décident alors de monitorer la pollution de l’ensemble des broyeurs wallons. Les sept implantations de ce type que compte la Wallonie sont concernées : une à Obourg (CometSambre), trois en région de Charleroi (Keyser à Courcelles, CometSambre à Châtelet, Derichebourg à Charleroi), une dans le Namurois (Dubail Recycling à Beez), une près de Liège (BST à Engis) et une en province de Luxembourg (Ecore à Aubange).

Pour chacun des sites, un appel a été fait à des riverains volontaires. Il apparaît aujourd’hui que trop peu de riverains ont participé à ce biomonitoring pour que les résultats de ce dernier puissent être jugés concluants.

En effet, l’étude prévoyait d’abord d’effectuer des prélèvements d’urine et de sang auprès d’adolescents riverains des broyeurs de métaux. Il s’agissait de mesurer dans le corps de ces riverains, l’exposition aux polluants potentiellement émis par les broyeurs et d’évaluer les éventuels risques pour la santé. Idéalement, l’étude aurait dû porter sur 500 adolescents. Au total, seulement 121 adolescents ont accepté d’y participer, soit en moyenne 6 à 15% des adolescents visés par l’étude. Il y a toutefois une exception, autour du broyeur à métaux d’Obourg, où 74% des adolescents ont accepté de contribuer à l’étude.

Un deuxième volet du monitoring a aussi analysé, via les sacs des aspirateurs de 180 habitations de riverains, la présence de poussières issues des broyeurs à l’intérieur des logements.

La faiblesse du taux de participation justifie qu’aujourd’hui les résultats globaux de l’étude, pour l’ensemble des 7 sites, soient considérés avec prudence, précise l’ISSeP et le SPW Environnement qui ont chapeauté l’étude.

Les riverains des broyeurs sont-ils plus “imprégnés” aux polluants émis par les broyeurs ? Visiblement, oui

Les auteurs de ce biomonitoring autour des broyeurs de métaux disposaient d’une base de comparaison puisqu’un biomonitoring humain wallon avait déjà été réalisé par l’ISSep et avait indiqué la présence de polluants et de substances chimiques dans le corps de la population wallonne.

Selon les conclusions de l’étude réalisée sur les riverains des broyeurs à métaux, il apparaît que vivre autour d’un site de broyage de mitrailles semble impacter l’exposition des riverains à certains polluants. Des différences significatives sont ainsi observées pour quelques polluants.

Chez les adolescents riverains d’un broyeur, les concentrations sont supérieures pour l’arsenic total, l’arsenic toxique, le plomb urinaire, le PCB-138 et le PFOS. Autour du broyeur à métaux d’Obourg, les adolescents testés montrent également une imprégnation plus élevée en PFHxS (acide perfluorohexane sulfonique) que la population générale d’adolescents wallons.

Par contre, pour toute une série d’autres polluants recherchés et les autres PFAS et PCBs, les concentrations sont comparables.

Des risques pour la santé des riverains des broyeurs à métaux ?

Les mesures d’imprégnation mesurées dans ce biomonitoring autour des broyeurs à métaux wallons montrent-elles des risques pour la santé des riverains ? Pour 8 des nombreuses substances analysées, il est possible de comparer avec les valeurs de risque de référence pour la santé.

Il apparaît ainsi qu’un risque ne peut être exclu pour quelques métaux : l’arsenic toxique, le cadmium urinaire et le plomb sanguin pour une partie des adolescents qui ont participé à l’étude. Pour l’arsenic toxique, par exemple, cela concerne 29% des adolescents qui ont participé au biomonitoring. On observe aussi des dépassements des valeurs de risque pour la santé pour le PFOS (24.1% des adolescents) et le PFOA (4.3% des adolescents).

Les auteurs du biomonitoring sur les riverains des broyeurs à métaux rappellent toutefois que des dépassements des valeurs de référence pour ces substances avaient aussi été constatés chez les adolescents lors du biomonitoring qui avait porté sur l’ensemble de la population wallonne, mais généralement auprès d’un pourcentage plus faible d’adolescents.

L’analyse du contenu des sacs d’aspirateurs des habitations riveraines des broyeurs à métaux permet aussi à l’étude de démontrer que la concentration en polluants dans les poussières augmente avec la proximité du broyeur. Ces poussières sont-elles dangereuses pour la santé ? “Pour la plupart des substances, le risque a pu être écarté“, peut-on lire dans l’étude. Pour d’autres, comme le plomb, l’arsenic, le PCB-DL et le PCDD/F +, ce risque n’a pu être écarté et une étude plus détaillée sera nécessaire. Il semble aussi difficile d’estimer la part de responsabilité des poussières intérieures dans l’imprégnation des riverains en polluants. “On peut estimer que des poussières plus fortement chargées en polluants contribueront à une imprégnation plus importante, mais d’un point de vue expérimental, aucun lien direct n’a pu être établi entre les concentrations en polluants mesurées dans les poussières intérieures et l’imprégnation globale des adolescents riverains“, explique l’étude.

Des recommandations pour les riverains

Des recommandations avaient déjà été formulées aux autorités locales et régionales et aux populations riveraines de ces broyeurs à métaux. Elles doivent être prolongées, recommande l’étude.

Plusieurs mesures doivent permettre de limiter l’ingestion de polluants. Il est ainsi recommandé de ne plus consommer d’œufs et de lait autoproduits, ni de poules élevées à l’air libre. On conseille aussi de rincer soigneusement les fruits et les légumes collectés dans les jardins potagers, de nettoyer régulièrement les habitations à l’eau, à l’intérieur et à l’extérieur, de limiter les surfaces de terre nue en favorisant l’enherbage par du gazon et de renforcer les règles d’hygiène de base des enfants telles que le lavage des mains, le fait de couper les ongles courts et d’éviter que les enfants portent directement des mains sales à la bouche.

A présent, que faire ?

Même si les résultats de l’étude de biomonitoring autour de broyeurs à métaux wallons ne permettent pas de tirer des conclusions fines vu le faible taux de participation, ils n’en restent pas moins “interpellants”, communique la ministre wallonne de l’Environnement, Céline Tellier (Ecolo). “Ce n’est pas normal de retrouver des taux trop élevés de polluants dans le sang, je comprends l’inquiétude des participants à l’étude. En tant que Ministre de l’Environnement, je m’engage à assurer le suivi des actions à mener et à soutenir tous les acteurs concernés”, explique la ministre.

Elle détaille plusieurs actions à court, moyen et plus long terme. Outre les recommandations concrètes faites aux riverains, il est aussi question de la définition de nouvelles normes dans les permis pour les substances n’y figurant pas encore, comme l’arsenic et les PFAS. Il est aussi question de mesures renforcées dans les “Plans de réduction des émissions diffuses”, telles que l’arrosage des tas de ferrailles pour réduire les poussières, l’installation d’une station météorologique et de filets brise-vent, par exemple. Le confinement (partiel ou total) des installations produisant le plus de particules fines est également à l’étude, dans le cadre de la révision des conditions sectorielles, communique la ministre.

Enfin, plus spécifiquement pour les riverains, un suivi sanitaire et médical est envisagé, via les médecins généralistes. Un nouveau biomonitoring devrait être organisé dans quelques années pour suivre la situation de près et voir si les mesures prises par la Région Wallonne ont des effets.

Source: https://www.rtbf.be/article/broyeurs-a-metaux-wallons-les-resultats-de-letude-sur-lexposition-des-riverains-aux-polluants-sont-connus-11363031

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